Un rébellion militaire est en cours en Russie. Wagner, l’armée privée de Evgueni Viktorovitch Prigojine, s’est retournée contre l’armée russe et s’est emparée sans résistance notable de la ville de Rostov-sur-le-Don où se situe un important centre de décision militaire concernant la guerre en Ukraine. Des colonnes armées de Wagner seraient en progression vers Moscou.
La situation est difficile à analyser, instable et susceptible d’évoluer très rapidement dans un sens comme dans l’autre. Je ne commente d’ordinaire pas ici les événements de ce genre, aléas militaires ou politiques, précisément à cause de leur imprévisibilité.
Mais nous sommes de toute évidence face à un événement géopolitique majeur. Quelle qu’en soit l'issue, rapide ou lente, ce weekend historique expose la fragilité du régime russe. Les conséquences détermineront l'environnement économique et politique européen pendant des dizaines d'années.
23 juin : violente dénonciation des causes de la guerre en Ukraine par Evgueni Prigojine
(Vidéo sur Twitter sous-titrée en anglais).
Dans cette vidéo à charge contre l’establishment militaire russe, le chef de Wagner brise plusieurs tabous importants de la communication russe sur la guerre en Ukraine. Il écarte la “dénazification” et la “démilitarisation” et dément les risques d’un “génocide” des population prorusses dans le Donbas. Selon lui, la guerre a été déclenchée pour satisfaire l’ambition personnelle du ministre de la défense Sergei Shoigu, et la vénalité d’oligarques russes voulant piller l’Ukraine pour leur propre compte. [Accès libre, en russe sous-titré en anglais]
23 juin : Prigojine accuse l’armée russe d’avoir délibérément bombardé les bases arrières du groupe Wagner
(Vidéo sur Twitter).
Prigojine publie une vidéo des dégâts causés par l’armée russe contre un de ses camps. Il prétend qu’il y a de nombreuses victimes et annonce une réaction. [Accès libre, tweet en anglais d’une vidéo en russe]
24 juin : Prigojine et ses troupes s’empare de la ville russe de Rostov-on-Don
(Page Live en ligne du quotidien Le Monde).
Les troupes du groupe Wagner ont franchi la frontière russe depuis leurs positionnement en Ukraine et se sont emparées de la ville de Rostov et de l’important QG militaire qui s’y trouve [Accès libre, en français]
24 juin : Allocution nationale officielle de Vladimir Poutine dénonçant une “mutinerie”
(Traduction en anglais de l’allocution).
Le président Vladimir Poutine dénonce une “un coup de poignard dans le dos du pays”, “aventure criminelle” et une “mutinerie” représentant une menace pour la nation, sans jamais citer Wagner. Par ailleurs, la ville de Moscou est mise sous “régime d’opération antiterroriste”. [Accès libre, en anglais]
Depuis, plusieurs informations se diffusent sans qu’il soit encore possible d’en évaluer l’importance ou le degré de véracité :
Une ou plusieurs colonnes de troupe Wagner remontent en Russie en direction de Moscou et elles auraient pris la ville de Voronej (à mi-chemin)
Des affrontements ont eu lieu, sporadiques, et l’armée de l’air russe a semble-t-il perdu un petit nombre d’hélicoptères de combat et au moins un avion en attaquant Wagner
Certains commentateurs affirment désormais que le “coup d’Etat” était préparé depuis deux mois et que les récriminations de Prigojine concernant le rationnement en munitions de ses troupes servait en réalité à constituer des stocks dans ce but.
Comme dans n’importe quel coup d’Etat, le degré de loyauté des composantes militaires sera déterminant. Selon que Wagner bénéficient ou non de ralliements dans les forces armées “classiques” russes, la situation peut évoluer dans un sens ou un autre
Les conséquences sur la guerre en Ukraine sont difficiles à évaluer pour le moment, en dehors d’un postulat banal : tout ce qui affaiblit l’agresseur russe est bon à prendre pour les démocraties ukrainiennes et européennes.
A garder à l’esprit lorsque débarqueront sur les plateaux télévisés ce weekend les anciens ministres des affaires étrangères et autres "réalistes" autoproclamés pour expliquer doctement que c'est finalement une mauvaise nouvelle pour l'Europe parce que le chaos est pire que Poutine.
La rébellion s'est terminée en 24 heures. Prigojine a fait demi-tour moyennant une sorte de pardon qui l'envoie en Biélorussie.
Reste un fait absolument incroyable : dans une Russie qu'on disait ultra-surveillée, une armée privée a pu s'emparer ouvertement et sans résistance d'une ville russe dans laquelle se situait le QG militaire de la guerre en Ukraine.
Il est très difficile d'imaginer que cela restera sans conséquences.
> ville de Rostov-on-Don
Tu voulais dire sans doute https://fr.wikipedia.org/wiki/Rostov-sur-le-Don 😉